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22/07/2022

Derrière la brume


La brume partout
Ici, dedans : le vide
Étrange vide
Il ne manque rien
Tout est toujours à sa place
Mais... absent
La brume
Le vide

La fenêtre
Cœur béant
S'ouvre sur un ciel
Gris sale
Tout est si lourd
L’humidité est étouffante

Quelque part dans Paris
Dans le froid d'un bloc opératoire
À l'instant où j'écris
Une poitrine s'offre au scalpel
Des doigts experts reprisent un cœur-
Ton cœur-
Comme le mien est lourd !

Qu’y a-t-il derrière la brume ?
Des chairs à vif
Un sang détourné
Un sommeil sans rêve
Battu d'anesthésiant
Une absence programmée
Et un si long temps d’attente

Traverseras-tu la brume
Pour me revenir ?

« Tout est à sa juste place »
M’a confié le sage de ma vision
Mais où donc est-elle
La juste place ?

Je n’en sais rien
Je ne sais rien
Sauf que
Je t'attends

Derrière la brume
Je t'attends.


Adamante Donsimoni©sacem
22 juillet 2022



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26/02/2014

Entre veille et sommeil


Le murmure d’un avion lointain, quelques craquements accompagnent ma soirée, rien n’est jamais immobile.
Dans leur vie de béton et de fer, les murs s’expriment, seraient-ils fatigués
de cette grande immobilité qui les contraint, pour des siècles parfois à se dresser, solides, afin de protéger la vie qu’ils hébergent? Est-ce une plainte ou un simple étirement indispensable à leur maîtrise de la position verticale qui leur est impartie ?

Le tic-tac de l’horloge, régulier, imperturbable, ignore jusqu’à la présence de la pile qui l’anime. Comme si rien d’autre n’existait, il bat son rythme, indifférent à tous murmures, à tout craquement. Il est soumis à cette hypnose implacable du son répétitif qui le mène jusqu’à l’épuisement où soudain, d’une seconde à l’autre,  le silence l’efface et reprend ses droits.
Pour l’heure, la nuit embrume les derniers bruits, quelques sons confus crèvent la bulle de retrait dans laquelle je m’enfonce doucement. Je vogue vers les rivages des rêves éveillés, des abandons d’avant sommeil. Je glisse vers ces berges où l’être sans âge s’éveille tandis que le mental se replis, vaincu par la fatigue d’un corps marqué insensiblement chaque jour par l’accumulation des jours. 
Qui des deux veille à cet instant ? 
Je suis au point ultime où toutes mes expressions de vie se confondent, parfaite complétude, voie du milieu, équilibre sublime.
Délicieuse ambiguïté de cet instant où, en oubliant jusqu’à soi-même, on se retrouve. 

Il n’est pas d’heure plus précieuse que cette heure avant sommeil.

Brusquement, le vent contrarié par je ne sais quel obstacle se met à gémir sur la terrasse. Sa plainte s’insinue au sein de ma torpeur. Il m’appelle, je le reçois. 

Nous avons tant de souvenirs tous deux, tant de jeux partagés. Je nous revois : il me pousse, j’ouvre les bras lui offrant plus de prise,  j’ai beau lui résister, j’avance et j’adore ça. Soudain je le provoque, je me retourne, je lui fais face, il m’attrape, il m’étouffe alors je me détourne et je me mets à rire. 
Le vent c’est le bonheur. 
Ce père invisible qui a bercé mon enfance est toujours le bienvenu. Je suis fille du vent, je l’aime de caresse en tempête, de souffle en rugissement. Je ne crains rien de lui, il est ma force, il m’habite. Il est partie de mon être.

Pendant que je goûte le vent, la joie de sa présence, je sais que dans le monde il en est qui meurent, il en est qui naissent, d’autres qui hésitent à la porte de ces deux mondes.
Lorsque viendra le tour de mon passage dans l’autre vie, sans doute il sera là pour m’emporter le vent, vers cet horizon où je suis attendue. J’imagine que grâce à lui je partirai sans crainte.

Mon corps s’appesantit, mes yeux se ferment. 

Irrésistiblement je plonge dans le sommeil. 

Qu’importe le réveil, l’infini est là qui m’accueille.

©Adamante (texte déposé SACEM)



28/06/2013

Le plafond


Enfant je m’endormais en voyageant dans les mots de silence que me chuchotait le bois du plafond.

Chaque soir une nouvelle histoire surgissait et m’emportait dans sa patience de veine au souvenir de sève. Cette respiration de l’arbre était écrite là, sous mes yeux, elle était témoignage pétrifié des strates des saisons. J’y lisais les irrésistibles appels des printemps qui poussent la nature à ascendre, animée de ce désir frénétique de se mêler au ciel ; les stridulations brûlantes des étés qui accompagnent les transformations vibratoires d’un monde de fougue épris d’expériences nouvelles pour expérimenter la touffeur explosive des orages puis les langueurs assouvies qui y succédaient ;  la plénitude des automnes accomplis, monarques des lumières et des saveurs, souverains avertis parés d’or et de rouille ; l’alchimie des hivers méditants et cavernicoles, dont le moindre souffle est avancée -infime mais péremptoire, vers la liberté des surfaces allongées au grand jour-,  traversée des ténèbres, initiation des feux descendus de l’éther lutter contre les eaux et ressortir vainqueur, ressourcé et neuf pour recommencer le cycle diurne des transformations.

Je comprenais à lire ce ciel de ma chambre que tous les Êtres, qu’ils soient de chair et de sang, de racines et de branches, portaient en eux les stigmates de ces forces qui les inscrivent dans le grand cercle de la vie.

Et ces histoires, ces épopées, naïves ou enchantées, qui m’emportaient chaque soir vers les rives du sommeil, n’étaient rien d’autre, -avec des personnages différents-, que l’expression de ces forces, une représentation de ce cercle,  que me racontait le plafond.

Il n’était aucun signe, aucun visage qu’il me montrait qui échappa à la règle. Si je n’en étais pas consciente alors, je savais que moi-même, en passant de la veille au sommeil, de mon matin à ma nuit, je ne faisais qu’accomplir ce cycle, en plus petit, en plus modeste, qui est le lot de tout ce qui vit et vibre.

Je pressentais que la mort avait sa place dans cette nuit, dans cette traversée des ténèbres, dans cette célébration d’un rite initiatique et confondant. Je pressentais que cette mort ne pouvait être que l’abandon de la lutte du feu contre l’eau redevenue souveraine, reprenant son bien, l’emportant vers un ailleurs qui nous interroge.

Je craignais pourtant que cette initiation d’un sommeil, similaire à ceux qui m’emportaient chaque soir, ne débouchât pour moi sur une nouvelle naissance, m’échouant sur une autre rive, un autre monde, où peut-être un hiver accouche d’un printemps pour poursuivre ce rite incessant des transformations et des engendrements.
Je ressentais cette crainte d’abandonner, de perdre, ceux qui m’accompagnaient ici et que chaque matin me faisait retrouver, soulagée.
Chaque soir me voyait m’aliter en espérant, sans y croire, une éternité de la vie telle que je la vivais le jour.
Mais le plafond fascinateur l’emportait toujours sur ma crainte et je plongeais, sans même m’en apercevoir dans ce sommeil si riche en questions restées sans réponses.

©Adamante

                                                          Un livre dans lequel je suis publiée 

                                                          Un article qui en parle