Translate - traduire

17/03/2024

Vague mimosa


Vague mimosa


Tout d’abord il y eut le parfum. Au loin je pouvais entendre la mer. Comme j’aimais ces moments où je pouvais m’extraire des contingences sociales festonnées de tenues correctes et de paroles policées. Ici, je n’avais plus à surveiller mon image, mon langage, rien ne m’obligeait à donner le change, à compter jusqu’à mes respirations. L’haleine du grand large  m’arrivait par bouffées iodées irisées de ce pollen aussi doré que le soleil du midi. 

Je ressentais la vie jusqu’à la perception des pierrailles qui roulaient sous mes semelles. J’avais le pied heureux des dévoreurs de grand chemins. J’étais comme un explorateur débarqué d’un naufrage sur une île déserte où à n’en pas douter se cachait un trésor. 

La nature ne chantait pas encore la partition ininterrompue des cigales, mais mon cœur, grand rêveur, battait déjà de leur cymbalisation et  bondissait comme un cabri épris de la garrigue. 

Puis m’apparut, dans l’air vibrant de senteurs enivrantes, une explosion de jaunes teintés d’ocre curcuma. 

Ce fut comme au cinéma, un arrêt sur image, un instant de contemplation imposé par l’interruption brutale du temps. Étourdie de tant de beauté, il me vint à l’esprit que Van Gogh, face aux vagues déferlantes de cette lumière fauve qui m’avait stoppée dans ma course, aurait été infidèle aux tournesols


une inflorescence

sous le bleu en majesté

Vague mimosa


les pompons du dieu soleil

viennent agacer le nez



Adamante – tanka prose -10 mars 2024

Une prochaine lecture de mes livres

HERBIER DE POÉSIES








 


lecture à la librairie Tropiques


J'aurai le plaisir d'être accompagnée 

par Sylvie Gabrielle pour la lecture.





Librairie TROPIQUES

 https://www.librairie-tropiques.fr/demandez-le-programme.html#donsimoni


56 et 63 Rue Raymond Losserand 75014 Paris.   

01 43 22 75  95





13/03/2024

Roumi - le bonheur de lire

 

Bonjour à vous qui passez par ce blog,

   Je vous avais parlé ici de ce qui était à venir. Je vous parle aujourd'hui de ce qui fut et sans aucun doute sera. 

Voici donc une invitation à écouter Roumi, à découvrir mes comparses de la soirée, Serge et Sylvie. 

Serge, le traducteur et Sylvie pour la lecture. Vous allez découvrir tout cela.

Personnellement j'ai lu deux contes : "Moïse et le berger" ainsi que "La gazelle dans l'étable aux ânes".

Alors je vous invite à vous installer confortablement, à fermer les yeux et à écouter. Roumi, c'est la spiritualité, la profondeur sans oublier l'humour. 

Un vrai bonheur à lire et entendre.

 

Adamante

 



 

03/03/2024

Le boléro des clématites

Jeanne Fadosi


Le boléro des clématites



Rentrant de promenade, alors que le soir se faufilait sur la campagne nostalgique, je m’étais oubliée à rêver sur un banc, non loin d’un grillage qui me séparait du pré voisin. 

Au travers, je pouvais à présent apercevoir l’horizon. Le rideau vert du feuillage s’était retiré, et quelques graines de clématites, ornées de leurs pompons blancs, s’y accrochaient encore. Ces volutes cotonneuses exprimaient la légèreté. Elles semblaient attendre le vent, moi peut-être leur envol. Puis, sans que j’y prenne garde, ma conscience avait dérivé sur la blancheur de cette voie lactée, révélée par ces plumetis soulignés de quelques baies rouges. J’étais en apesanteur, totalement libre de corps et de pensée.

Mon esprit avait largué les amarres, il s’était transporté dans des dimensions insoupçonnables à tout observateur étranger. Ce dernier aurait pu me penser assoupie. Comment aurait-il pu ne serait-ce que supposer les mouvements hypnotiques dans lesquels m’avait entraînée cette danse des spirales ? 

Si mon corps paraissait immobile, tout à l’intérieur de lui était en effervescence. Je vivais un bonheur minéral. La vibration chantait son boléro extatique et sa musique m’emportait bien plus loin que les apparences trompeuses que je donnais à voir. 


au regard du cœur

se révèle le caché-

autre dimension


voyager les yeux fermés

savoir chevaucher le vent


Adamante Donsimoni  

©sacem/musicstart - 26 février 2023


L'HERBIER DE POÉSIES






28/02/2024

Accueillir pour transmuter


Bonjour Grand-père,


J’aimerais avoir un signe de votre présence aujourd’hui, après tous ces échanges consignés dans mes lettres, sous le titre de ce livre « Romano ». Que d’années dorment en si peu de pages, ignorées, dans le silence pesant d’un rayon de ma bibliothèque.

 

Mes yeux se posent sur le vieux fauteuil Voltaire, que quelques générations de chats ont griffé de leur présence. Là aussi désormais le silence. La poupée de chiffon qui l’occupe est bien trop sage pour donner vie à cette pièce. Le silence s’impose où la vie se rétracte. 

 

Et dehors, le vent, la pluie incessante, je pourrais dire le déluge. Presque partout la terre sature et les rivières vomissent leur trop plein dans les villes, pour alimenter le désarroi des populations que la répétition des inondations transforme en désespoir. L’humidité alourdie et le corps et l’esprit, la joie qui est feu chancelle puis s’éteint. 

 

Le monde entier semble appelé à glisser dans des profondeurs abyssales. Ténèbres pressenties dont nous n’avons pas, je le crains, vraiment idée. L’eau qui est vie devenue mort ? Il semble que le temps du grand sommeil a sonné.

Que pourrais-je donc faire, Grand-père, sans votre présence ? Serait-il temps pour moi de vous rejoindre de l’autre côté du voile ? Je me sens si lasse soudain.

 

Que sera  devenu le monde si, partout demain, le soleil de la joie se noie ? Je ne puis accepter l’idée que ce demain, présent dans l’aujourd’hui, puisse éteindre la vie d’un si grand nombre d’espèces, qu’il puisse anéantir l’amour par la destruction de l’espoir. Ma vie, comme il peut souffrir l’enfant intérieur ! 

 

Je sais Grand-père, je me dois de protéger la braise enclose au cœur de la glace au moment de la débacle, et par le souffle en faire un brasier dévorant. Le futur printemps a tant besoin de forces ! Je ne veux pas du désespoir. Pourtant je ne puis que l’accueillir, nul n’est de taille à lutter contre, il est impossible d’ignorer une si envahissante présence. 

 

Le désespoir est l’enfant malade d’une  société ayant perdu le sens de l’Être pour celui de l’avoir, un avorton, une chimère. Comment le rejeter sans se rejeter soi-même ?  Mais l’accueillir en conscience, ouvrir les bras du cœur à tous ces courants de mal être, à tous ces sanglots à la dérive et les bercer, les aimer. Cela me semble indispensable pour que s’opère la transmutation. 

 

Encore une fois, écrire m’a rapprochée de vous, et je vous ai entendu, Grand-père, vous avez toujours été là. 



Adamante Donsimoni

26 février 2024 ©sacem/musicstart


Et un partage audio d'une lettre de Romano 

sur Take this Waltz de Léonard Cohen




Renga

 

Vous pouvez aussi nous rejoindre !



 

18/02/2024

Virgule du temps

Photo F.X.C

 


La pluie n’avait pas cessé de tomber, et le sol rendait son eau jusqu’à inonder les abords de la rivière. Quelques arbres s’étaient couchés. Sécheresses puis pluies avaient eu raison de leur résistance. Leurs racines offraient à présent le spectacle de leurs arabesques dansant au-dessus des eaux où elles se reflétaient. 

Les végétaux transcendent le visage de la mort par la beauté. Un petit passereau était venu inscrire un instant son image dans cet entremêlement de racines échevelées. C’était la vie qui s’inscrivait là, offrant à mon regard le tableau dépouillé de l’acceptation, une œuvre d’art dramatiquement belle 


instant de repos

avant le prochain envol -

virgule du temps




Adamante Donsimoni ©musicstart-sacem

12 février 2024



L'HERBIER DE POÉSIES PAGE 229



 

04/02/2024

La petite fleur d’or

 

Dessin Françoise Isabel


La petite fleur d’or



Comme il me semblait gris, le temps, ce matin-là, en cette période de basculement du monde. 

L’humain, dépassé par ses découvertes, s’était insensiblement séparé de lui-même. Craintif de perdre son intelligence face à l’inéluctable disparition qui le menaçait, il avait cherché comment la conserver de façon artificielle. 

Grisé de ses succès, émerveillé de ses résultats, il avait fini par ériger une prison algorithmique aux murs transparents où il pouvait visionner les images de son conservatoire de la vie. 

On pouvait désormais voir une foule de smartphones dressés vers le ciel pour capturer les images d’un feu d’artifice que personne ne regardait plus qu’au travers de l’objectif. Le monde était devenu glaucomateux, il avançait comme ces chevaux de labour, toujours présents dans la grande bibliothèque des datas centers, avec des œillères. 

Ce matin-là, comme vaincue par tant d’inanité, je me sentais anéantie. 

Pourtant, sans que je le cherche, cette lumière illusoire de l’espace extérieur que dévorait le monde m’avait ramenée en moi-même. Je m’étais laissée glisser dans les ombres où se cachait ma propre nitescence ; j’avais débouché dans un espace où enfin je pouvais me détendre, me laisser bercer en confiance, sans plus penser à rien, comme un enfant encore relié à la source des sources. 

C’est à ce moment que j’avais vu l’image, une petite fleur aussi dorée que le soleil. Elle s’était inscrite sur mon écran et, de cet espace où je me tenais, je l’avais regardée avec les yeux du cœur. Là, j’avais compris que rien, absolument rien, ne pourrait jamais contraindre la lumière.


un petit soleil

enchâssé dans le béton-

éclat invincible.



Adamante Donsimoni - 31 janvier 2024 

©sacem-musicstard




 

21/01/2024

Les mâchoires du froid

Photo Laurence B - Prise au Canada

 


En ce jour blanc, rien pour écorcher le silence. Il s’insinue partout, jusque dans mes pensées. Je me rappelle l’enfance quand, le nez collé au carreau, je contemplais l’éternité accompagner la lente descente des flocons. Quel étrange ballet. Encore aujourd’hui, il n’est pas un souffle de vent. Qu’est-ce qui pousse chacun d’eux à dévier ainsi sa route ? Tous semblent vouloir retarder le moment crucial du contact avec le sol. Est-ce l’amour du vol ou la prescience  d’une fin prochaine ? Une éphémère, peut-être, pourrait donner la réponse, mais il fait bien trop froid pour un si frêle insecte. 

Après ma longue promenade, avant que tout le ciel ne déverse une nouvelle fois son trop-plein de papillons glacés, je me suis installée près du feu, avec pantoufles, plaid et fauteuil afin de raviver mes extrémités gelées. C’est à peine si mon pied remue à rythmer le souvenir du craquement de mes pas dans la neige,  deux temps, peu de mesures et pas de da capo. Décidément, le jour est placé sous l’égide de l’immobile. 

Non loin de la maison, j’ai croisé un archange empêtré dans les broussailles, prisonnier de la glace, figé en plein élan. Qu’était-il venu faire ici ?  Je l’ai regardé longuement. Plantée face à lui, j’ai oublié le temps. À chaque instant je m’attendais à le voir s’envoler tant il semblait mettre d’efforts à s’extirper de sa prison de cristal. Mais il est resté là, téméraire et pourtant vaincu. 


Patience du ciel

et illusion du temps -  

les mâchoires du froid



Adamante Donsimoni 

©musicstart-sacem

18 janvier 2024


D'autres poésies sur l'Herbier de poésies Page 227

Je vous invite aussi à regarder mon précédent poste "LA QUÊTE DE L'AMOUR"